La Slovénie est l'un des plus anciens pays viticoles de l'Europe de l'Est. Ses vins ont traversé les frontières, les époques et les régimes, faisant la renommée de son terroir riche et divers. Aujourd'hui, le pays compte quelque 30 000 viticulteurs, répartis sur une myriade de micro-domaines, entre trois grandes régions : Primoska, frontalière à l'Italie, Prodravje au nord-est et Posavje au centre. De la Yougoslavie à nos jours, quelle est l'histoire ces vins de plus en plus célébrés ?
La Slovénie fut la première des anciennes nations yougoslaves à déclarer son indépendance en 1991. A l'époque, la Yougoslavie comptait pas moins de 250.000 hectares plantés, en faisant le septième vignoble européen, produisant environ 7,5 millions d’hectolitres. En effet, la viticulture est pratiquée en Slovénie depuis l'époque des Celtes et des tribus illyriennes, bien avant que les Romains ne développent des vignobles en Gaule, dans la péninsule ibérique et en Germanie. La légende locale soutient que des croisés, en route pour la Terre sainte, furent tellement envoûtés par la qualité du vin local, qu'ils en délaissèrent leur mission, préférant s'installer sur place, et rebaptisant leur nouvel éden "Jérusalem".
La Slovénie fit partie de l'Autriche-Hongrie jusqu'en 1918, ce qui marqua fortement son histoire viticole. En 1822, l'archiduc autrichien Johann ordonna que "toutes les variétés nobles de vignes existantes" soient plantées dans la région de Maribor, au nord-est du pays, dans l'actuelle région de Podravje. C'est grâce à lui que de nombreux cépages tels que le Chardonnay, le Sauvignon Blanc, le Riesling, ou le Pinot Noir furent plantés, dans ce qui sera considéré comme le premier vignoble modèle de la région. Sa contribution à la construction du vignoble slovène fut considérable, il créa une pépinière viticole et expérimenta de nouvelles formes d'enseignement. Il se concentra dès le début sur la qualité des vins, et ouvrit dès 1832 une école de viticulture, formant notamment à l'hygiène dans les vignes. En 1847, il construire une cave modèle près de la région de Bolzano, dans les Dolomites actuelles.
Les premiers terroirs viticoles furent touchés par le phylloxéra en 1860 dans la région de Brežice. Avant l'épidémie, la Slovénie cultivait aux environs de 51 000 hectares. Le phylloxéra poussa à la faillite de nombreux producteurs qui furent contraints de quitter leurs terres ; certains choisirent d'émigrer aux États-Unis. La majorité des vignobles abandonnés n'ont jamais été replantés et le pays, avant la Seconde Guerre mondiale, ne comptait plus que 38 000 hectares de vignes. La viticulture connut un renouveau dans les années 1950, mais celui-ci s'opéra par la quantité au détriment de la qualité, d'autant que les vins locaux étaient concurrencés par ceux encore moins chers provenant de Grèce, Roumanie, Bulgarie, Macédoine et Serbie qui inondaient le marché.
© Movia wines
Aujourd'hui, la Slovénie ne compte plus que 22.300 hectares plantés, soit 0,5% du vignoble européen, mais produisant pour autant certains des meilleurs vins au monde. Son climat unique, protégé par les Alpes au nord et bénéficiant d'influences océaniques à l’ouest, combiné à ses sols complexes ainsi que sa multitude de cépages autochtones, en font l’un des pays viticoles les plus intéressants à découvrir de nos jours. Malgré l'essor de quelques caves ambitieuses, la Slovénie exporte moins de 10% de sa production : la grande majorité des viticulteurs possèdent moins d'un hectare de vigne et le vin est avant tout consommé localement.
Le pays est reconnu pour ses vins blancs, son terroir étant spécialement bénéfique pour cette couleur. Les cépages sont variés (on en dénombre pas moins de 52) allant des plus internationaux cités plus haut, à des plus locaux comme le welschriesling ou le sipon, la variété locale du célèbre furmint hongrois. Cela permet de créer des assemblages et profils aromatiques méconnus de nos palais étrangers. Le vignoble est donc réparti sur trois grandes régions, incluant neuf différentes typologies de terroirs différents. Il se situe à la même latitude que la Bourgogne en France, reconnue comme idéale pour la culture du vin. Ce mélange des influences climatiques, topographiques et géologiques permet à la Slovénie de créer une très grande variété de vins.
Mon coup de cœur de ce pays est le domaine Movia, dans la région de Goriska Brda, en Primoska. La région est surnommée la Toscane Slovène, tant la ressemblance est frappante. Le domaine appartient à la famille Kristanèiè depuis 1820, et n'a jamais cessé malgré l'histoire nationale mouvementée. Il fut même le fournisseur officiel pour le protocole d'Etat de 1949 à 1971. Leur fibre familiale est touchante, les rendant encore plus appréciables, à l'instar de cet onglet entièrement rempli de photos de la famille sur leur site. L'actuel fils aux commandes, Ales Kristanèiè, s'est formé en Vénétie, et a travaillé auparavant aux Château Pétrus ainsi qu'au Domaine de la Romanée-Conti. Au-delà de ses compétences, il perpétue l'esprit pionnier de son héritage, et fut le premier à exercer un vieillissement en barrique en Slovénie. Son domaine s'étend sur 22 ha, ce qui est considérable pour son pays comme vous l'aurez compris, même si 8 ha se situent de l'autre côté de la frontière italienne, dans la DOC de Collio Goriziano.
Les vins sont élaborés depuis 1989 en biodynamie, et une belle part est accordée aux cépages endémiques. Les vins blancs sont élevés en cuves inoxydables, conservant fruit et fraîcheur, et les rouges en fût de chêne donc. Ils produisent entre 100 000 à 120 000 bouteilles par an, et en exportent 80%, une chance pour nous autres étrangers de pouvoir apprécier un parfait exemple de ce que ce beau pays a à nous offrir. La cuvée que je retiens est la cuvée Movia Exto Gredič, élaborée à partir de Sauvignonasse, aussi connu sous le nom de friulano, qui n'a aucune apparentée avec le Sauvignon Blanc, mais descendrait plutôt du furmint. Le vin est parfaitement équilibré présentant des notes acidulées rafraîchissantes, de fleurs et de thé vert. J'ai eu l'occasion de le découvrir dans ce restaurant à Venise, mais aussi chez Plume à Paris (je vous avais déjà parlé de ce restaurant que j'adore dans cet article, très bonne adresse pour des plats sublimes français et de très bon vins internationaux.)
J'ai hâte de pouvoir mettre ma main sur plus de vins Slovènes même si cela est aujourd'hui un challenge, qui sait peut-être réussirais-je à vous en proposer bientôt ?
Cheers,
Eglantine
Crédit Photo Couverture : © slovénie secrète