Lorsque vous lisez ce titre, soit vous vous dites "Ah tiens, étonnant !", soit vous êtes vraiment très calés et vous vous dites "oui bien sûr, regardons ce qu'elle en dit". Si je suis honnête, je faisais plutôt partie du premier groupe en arrivant en Australie. De la Barossa , je ne connaissais pas grand-chose en dehors de que ce que tout le monde apprend dès que l'on s'intéresse aux vins du monde : c'est une des régions les plus connues d'Australie, on y trouve la quintessence du shiraz australien, dont la winery Penfold's et son fameux Grange. On y reviendra. Personnellement, en y arrivant, j'ai d'abord découvert de sublimes vieilles voitures de collection. Nous étions à Tanunda en même temps qu'un rassemblement de collectionneurs, c'était absolument magique.

De cette introduction, retenons donc que la région de la Barossa est ouverte sur le monde, et accueille beaucoup d'œnophiles. Les premières vignes furent plantées dans le début des années 1840 par les britanniques, mais elles se développèrent sous l'impulsion de familles allemandes venues d'Europe, qui immigrèrent en Australie dès1838. La majorité d'entre elles étaient composées d'agriculteurs, qui travaillèrent pour la colonie Britannique d'Australie du Sud et plantèrent de nombreux ceps après s'être rendus compte que les sols étaient parfaits pour la vigne. Ils émigrèrent depuis la Prusse, des provinces de Brandenburg, Posnanie et Silésie. La grande majorité de cette immigration était due à la persécution du Roi Frédéric William III de Prusse qui imposa une forme révisée du rite Luthérien. Les églises traditionnelles furent contraintes de fermer, plusieurs paroissiens furent arrêtés et mis en prison, et des congrégations entières étaient forcées de se réunir en secret.
En 1834, August Kravel, un pasteur luthérien traditionnel, se rendit à Hambourg en quête d'une terre d'accueil pour son église, loin des persécutions. Il fut envoyé auprès de George Fife Angas à Londres, figure de la nouvelle colonie d'Australie du Sud et directeur de la 'South Australia Company'. Angas accepta l'émigration de la congrégation de Kravel, qu'il installa sur ses nouvelles terres… dans la Barossa. Le premier bateau arriva en novembre 1838, après 7 mois de voyage depuis Hambourg. Ce fut le début d'un flux migratoire continu qui fut tel que dès 1900, 10% de la population de la colonie australienne était allemande ou de descendance allemande. Cette immigration influença les vins de la région, même si elle reste aujourd'hui reconnue pour son shiraz. Certains vignerons importèrent des sarments de cépages de leur région natale que l'on retrouve encore, comme le Riesling.

La Barossa se divise aujourd'hui en deux grandes sous-régions, la Barossa Valley, au climat plutôt chaud et aux paysages de collines, et l'Eden Valley, plus frais et à la topographie plus accidentée. On la surnomme la 'high country' de la Barossa. Par son histoire, la région jouit aujourd'hui des vignes les plus anciennes du pays. Qui dit vieilles vignes, dit une production plus restreintes, et donc des jus plus concentrés. C'est ce qui fait la qualité des vins actuels et leur renommée, et que l'on doit notamment à un vigneron de la région qui dans les années 80, s'opposa à l'arrachage de ces ceps pendant une période de surproduction. La Barossa Valley fait aujourd'hui un peu plus de 11 000 ha, et l'Eden valley environ 2 000 ha. A elles deux, elles représentent 8% du vignoble australien. Les cépages principaux sont donc le Shiraz, le Cabernet Sauvignon et le Grenache en rouge, le Riesling et le Chardonnay en blanc.
Nous avons bien sûr commencé notre visite par la winery Penfolds, un mythe de la région. On peut visiter une tasting room assez chic aux abords d’Adélaïde ou bien une autre qui se trouve dans la Barossa. Nous avons fait cette dernière, on n’y est pas moins bien accueilli, au contraire. Nous avons pu déguster presque toute les cuvées disponibles. Dès que j’ai pu un peu échanger avec notre sommelière et qu’elle a su que j’étais du métier, elle nous a fait découvrir des cuvées plus confidentielles. C’est là tout le charme australien, mais aussi celui de ce secteur, qui n’est finalement que partage et convivialité. Chez Penfolds, les raisins viennent de toutes les régions australiennes, leur permettant d'assurer une continuité d'un millésime à l'autre. Certaines cuvées sont des blends de ces régions, d'autres sont 100% d'une seule appellation. Chaque cuvée a un numéro de "bin", qui est en quelque sorte un numéro d'identité qui permettait de retrouver les vins dans les caves. Nous avons pu déguster de merveilleux blancs dont le Polish Hill Riesling et le Bin A Adelaide Hills Chardonnay. En rouge, mon coup de cœur fut pour le Bin 389, 51% Cabernet Sauvignon, 49% Shiraz, surnommé le 'Baby Grange' puisqu'il est vieilli dans les barriques utilisées pour leur cuvée emblématique 'Grange'. C'est la cuvée la plus populaire de Penfolds, car elle permet de bien découvrir leur talent, à un prix qui reste moins élevé. Le Cabernet vient de Coonawarra, et le Shiraz de la Barossa Valley. Chaque cuvée était vraiment excellente et vous donne une superbe vision d'ensemble de ce que l'Australie plus traditionnelle peut offrir. Mais ils n'avaient pas le petit plus de la winery germanique que l'on a fait ensuite.



Nous nous sommes dirigé vers la winery Tscharke, dans l'Eden Valley. Créée en 2000, elle s'étend sur 40ha, entièrement en bio et biodynamie. Leurs raisins viennent de la Barossa Valley et de l'Eden Valley, et ils proposent une quinzaine de cuvées aux étiquettes originales, à déguster au sein d'un bâtiment entièrement rénové aux airs de chalet rustique. Nous avons adoré leur cuvée Girl Talk, composée de Savagnin, Grenache Blanc et Albariño. Sa texture fluide emplie parfaitement le palais, avec des notes délicates de pamplemousse, fleurs blanches, pêche et nectarine. C'est un super rapport qualité/prix. Nous avons aussi aimé la cuvée The Master, 100% montepulciano, qui ressemble à un syrah en climat froid, du moins c'est leur intention. On y retrouve des notes de cerise rouge, de bonbon frais, des tannins légers, et une belle acidité. Enfin dans leur shiraz, nous avons retenus la cuvée Gnadenfrei North, souple et accessible, et la cuvée MGA Fortune, plus riche, aux arômes de fruits cuits, sous-bois et caramel. Tscharke propose des vins très intéressant, frais et fruité, qui change de ce que l'on peut trouver dans le reste de la région, tout en restant proche de son terroir. C'est une excellente addition à la découverte de la Barossa, hors des sentiers battus.



Et vous, avez-vous déjà dégusté des vins de la Barossa ? Cela vous fait envie ?
Cheers,
Eglantine